@CriKir Merci pour le partage ! C'est toujours intéressant à prendre, par contre je me demande un peu ce que montre réellement un sondage d'opinion sur des pédiatres
Parce que bon, on leur demande s'ils voient un lien, j'imagine à partir de leur expérience de terrain, mais 1/ ils n'ont pas forcément accès à toutes les informations sur l'usage du numérique par tous leurs patients (à part éventuellement le fait d'avoir vite fait vu le parent donner un téléphone à l'enfant lors d'une consultation - auquel cas on peut aussi se demander si ce ne sont pas aussi les parents d'enfants qui ont des troubles du comportement qui sont les plus susceptibles d'avoir besoin d'un moyen pour qu'ils se calment dans la salle d'attente / le cabinet, autrement dit que le lien de causalité soit dans ce sens plutôt que "les écrans provoquent des troubles du comportement"), et 2/ même en supposant qu'ils aient toutes ces informations en questionnant leurs patients, et que ce soit effectivement les parents dont les enfants sont le plus exposés aux écrans qui aient des troubles du comportement, là encore le lien de causalité est flou.
Il y a un MOOC assez chouette qui s'appelle La petite culture du numérique pour celles et ceux que ça intéresse, où ils sont allés interviewer pas mal de chercheurs et de professionnels de la petite enfance d'horizons divers, la littérature scientifique y est abordée à un moment, il y a aussi pas mal de témoignages de terrain, et il y a quelques points intéressants qui ressortent. De mémoire, entre autres:
- Il ne semble pas y avoir de point positif à utiliser les écrans avant 3 ans (les enfants apprennent alors peu en les manipulant). C'est pas que ça leur grille le cerveau ou quoi, mais ils ne retiennent pas grand chose des contenus "éducatifs" à la télévision destinés aux enfants de cet âge.
- Il y a bien une étude qui montre une association entre écrans avant d'aller à l'école et troubles du langage, et entre non-discussion du contenu des écrans avec les parents et troubles du langage, mais 19 autres facteurs impliquant les écrans (i.e. écrans le soir) avaient alors été testés sans qu'une corrélation statistique n'apparaisse. Une étude qui teste 21 facteurs a de bonnes chances de relever du p-hacking (grosso modo, en simplifiant beaucoup: vu qu'on considère généralement que A et B sont corrélés quand le hasard aurait moins de 5% de chances de faire apparaître A et B ensemble aussi souvent, une étude qui teste 20 variables qui n'ont en fait aucun lien avec le sujet a de grandes chances de détecter quand même une corrélation). Ca ne veut pas dire que les écrans sont totalement inoffensifs, mais que cette étude en particulier est à prendre avec des pincettes.
- C'est assez difficile de discuter de ce que font "les écrans" aux enfants, parce qu'il y a écrans et écrans (la télévision seul n'est pas un jeu vidéo éducatif qui n'est pas un film regardé en famille qui n'est pas un jeu inapproprié pour l'âge de l'enfant etc).
- "Les écrans" semblent surtout avoir des effets négatifs tangibles (sur les apprentissages, la santé...) quand ils se substituent au temps passé à faire autre chose (interagir avec sa famille, avoir une activité physique, dessiner, etc) et/ou qu'ils ne sont pas contrôlés par les parents (i.e. ils ne savent pas ce que l'enfant fait avec l'appareil, n'arrivent pas à l'empêcher d'y passer plus de temps qu'il ne le devrait...).
- Certaines formes d'écrans sont particulièrement intéressantes pour les enfants souffrant de certains troubles du développement (des hôpitaux utilisent des tablettes pour aider des enfants autistes présentant des difficultés au niveau de la verbalisation et de la mise en contact avec autrui), ou pour développer certaines compétences graphiques (le graphisme s'apprend très bien avec certaines applications sur tablette). Il faut cependant faire le tri (ce qui s'apparente vraiment à un "jeu vidéo" est souvent plus excitant qu'autre chose, là où des "serious games" peuvent faire des merveilles, surtout quand ils sont développés en collaboration avec des orthophonistes, psychomotriciens...).
- Il est intéressant d'aider les enfants à partir de ce qu'ils ont vu sur l'écran pour aller plus loin ensuite (oui c'est rigolo de regarder la comptine sur YouTube, mais ensuite tu peux aussi la chanter sans la vidéo et inventer une choré dessus !).