Un chouya blasée.
2 mois viennent de s'écouler, à m'agiter dans les couloirs, à être passionnée de façon générale, et à réfléchir à mon avenir dans mes temps morts, mes repos... et toujours, contempler l'horizon, rêver d'ailleurs, m'envoler plus loin. Je l'ai dit, je ne savais pas où, mais je le disais: je peux aller ici, ou là, voire la-bas. On me disait oui, parce que je suis grande, parce qu'on s'en fout, parce qu'on ne m'a pas prise au sérieux? Je ne sais pas, mais à J-3, enfin on s'intéresse, on me pose des questions, on me met en garde "fais ce que tu veux, mais réfléchis bien" tout en disant l'air de rien que non, on ne me conseille pas cet horizon.
Et quand la certitude semblait enfin frapper ma porte, on me redonne ces doutes. Tiens, t'en as pas eu assez, être sereine c'est pas fait pour toi, viens que je t'embrouille.
Alors il y a toutes ces voix dans ma tête, les méchantes les moralisatrices les défaitistes. Elles parlent toutes! Trop fort. Trop vite. Elles assainent les vérités qui font mal, me font voir les icebergs, les obstacles.
Et il y a les autres: les rêveuses, les optimistes. Tu peux y arriver, ça sera pas évident, mais tu seras heureuse d'avoir eu le courage, d'avoir retroussé tes manches une fois encore, et tu te diras juste que ça valait le coup.
Et il y a l'immature, celle qui me bascinait que ces adultes n'avaient rien compris, qu'ils avaient tord, qu'ils ne réfléchissaient qu'en coût, en profit, que moi j'avais assez trimé, et que je méritais plus à présent. A 18 ans, elle disait déjà ça l'immature, et je reconnais qu'elle avait tord. Mais j'ai 26 ans à présent, et l'immature peut-elle avoir encore tord? ...
J'ai trimé, j'ai fait 7 ans d'études, et jeudi je choisirai probablement d'en faire non pas 3 de plus comme c'était prévu, mais 4. Et aujourd'hui encore, alors que j'y ai consacré ma jeunesse, mon temps, mon argent, on me dit que c'est un piège, que je suis naïve, et qu'il faudrait rester dans cette ville où j'ai grandi, qui restera à jamais ma maison, mais qu'aujourd'hui je perçois comme une prison. On me dit que je suis naïve de penser que je serai plus près, que je serai toujours "trop loin", et que si je tombe en panne, je devrais m'en sortir seule. Voilà ce que dit l'autorité parentale, la voix raisonnable.
Et celle qui était immature, que dit-elle? Qu'elle a tout sacrifié ces doux rêves, ces années de jeunesse, et y compris l'innommable pour en arriver là, et que pour ne rien regretter, à présent il s'agit de penser à soi. De ne plus faire "ce qui est sage" mais "ce qui lui donne des papillons dans le ventre". Que je suis un bébé médecin, ce qui, il y a 7 ans, me semblait impossible. J'ai réussi, et il me semble l'avoir mérité. Puis-je encore me refuser de vivre où je veux, de tenter ma chance dans une autre ville, alors que si j'en suis là aujourd'hui, c'est non pas par hasard, mais bien parce que je me suis battue?
Je suis fatiguée des sacrifices, je suis fatiguée des chutes libres, je suis fatiguée des remises en question. Je veux aller voir ailleurs, l'herbe ne sera sûrement pas plus verte, ça sera sûrement plus difficile, mais je regretterais de choisir la facilité.
J'ai fait des études, eux non. Ils sont partis à 18 ans pour travailler, ils n'ont pas forcément eu le choix, mais à 27 ans elle me mettait au monde, ils avaient un toit loin de chez leurs parents, et ils ont vécu leur vie.
J'ai vécu chez eux jusqu'à 25 ans, puis pas loin cette année. Je ne suis jamais tombée en panne de quoique ce soit, et personne n'a eu à venir m'aider. J'ai fait d'autres choix, je n'aurais pas de bébé toute seule au bout du pays moi, alors que j'aurai 27 ans... et non, ils me conseillent de rester, ils disent que c'est plus "sage", plus "prudent". Je rêve.
... Elle le chantait si bien "il n'y a pas d'ailleurs, tu sais que ta vie, c'est ici...", tout doucement avec amertume. J'ai toujours espéré que si, et je me suis toujours dit que même si elle avait raison, un jour, j'irai quand même voir par moi-même. Il est temps, je n'ai pas d'amoureux infaillible qui me retienne, j'ai juste mes parents qui soupirent de laver mon linge tous les week-ends, de me nourrir le vendredi soir.
Je crois que jeudi, l'immature gagnera, et j'espère qu'elle changera de nom: l'audacieuse, la téméraire peut-être, mais pas l'immature. J'ai bossé cette année en me rêvant urgentiste, j'ai réussi à avoir le droit de continuer à le rêver, et après bien des hésitations, je vais finalement le devenir. J'ai bossé en rêvant de changer de ville: je rêve toujours de le faire. Je crois que je le mérite, et que j'en ai marre d'être raisonnable.
Chers petits êtres que j'ai aimés si fort et que j'ai perdus, vous qui veillez sur moi et répondez souvent à mes prières, ne m'abandonnez pas jeudi. Donnez-moi la force de finir ce que j'ai commencé, d'aller au bout de ce que pourquoi je me suis battue, sans me laisser me sentir coupable au décours. Laissez-moi quitter ce guet à pan, cette boue dans laquelle je m'enfonce et m'enlise, à gérer des problèmes qui ne sont pas les miens. J'étouffe. Donnez-moi l'oxygène jeudi.
R. & C., lors de vos départs respectifs, j'avais promis de faire en sorte que ces câlins sacrifiés en valaient le coup: c'est la dernière ligne droite.
Et Papy, tu sais souvent je suis triste. Bientôt je retournerai la-bas et inévitablement, je passerai te voir au cimetière, regarder cette tombe en marbre sous laquelle tu gis, et encore une fois, j'hésiterai: pleurer ou cracher? Tu sais ce que j'appelle "loin", c'est inévitablement plus près de mamie. As-tu entendu l'autorité parentale m'en détourner? Parfois je regrette de ne pas avoir été plus courageuse, de ne pas avoir pris le téléphone pour demander de vos nouvelles en redoutant tes foudres, ou la foudre tout court, sans savoir d'où elle viendrait. Tu restes grandement coupable, mais ce soir j'ai eu le sentiment que l'autorité parentale l'était aussi. Qu'avez-vous eu à gagner toutes ces années qui justifie que ce soir, j'ai eu l'impression d'être à nouveau cette gamine qui pleurait de quitter ces grands-parents, et qui entendait sourdement "chiale pas trop, nous ne reviendrons jamais"? Pourquoi m'éloigner encore de l'ultime survivante? Mon silence ne vous a rien appris.
C'est maintenant ou jamais, mamie te rejoindra un jour, mon temps pour rattraper le temps perdu est compté. Celui que vous avez tous perdu, celui que je vous ai laissé perdre. Je veux m'en rapprocher. Elle ne disait rien au téléphone, et je sais qu'elle leur donnera raison. Elle donne raison aux adultes, aux plus adultes, même quand ils ont tord. Tu avais tord, mais c'est toi qu'elle a soutenu. Je vise cet ailleurs-là pour elle, mais c'est eux qu'elle soutiendra. Ce soir finalement vous me débectez. Et c'est en écrivant ceci que je me souviens pourquoi j'ai fait médecine: pour faire médecin humanitaire. Ce que je vise vous semble loin, mais initialement je visais encore plus loin et étais encore plus téméraire. A me brider de la sorte, à ne m'encourager qu'une fois que je réussis, vous me donnez parfois envie d'aller moi aussi dormir dans les herbes fraîches, loin, dans cette éternité où vous courrez tous vous réfugier, tôt ou tard.
J'étais triste et maintenant je suis en colère.
Jeudi j'espère que j'irai au bout de mon idée, parce que je l'ai mérité. Et si ça ne vous plait pas, pour la première fois, je vous invite à bien aller vous faire voir. Aucun de vous n'aurait fait ces 7 années d'études, alors merde, laissez-moi vivre.
Mercredi soir je n'appelerai personne, pas plus que demain d'ailleurs. Ma décision était prise, et elle doit le rester, Et maman promis, je te demanderai le strict minimum. Dès que je peux voler de mes propres ailes, début 2018 j'espère, je le fais. C'est mon choix je viens seulement de comprendre, je suis seule et bien seule, et bien ne t'inquiète pas, je ferai en sorte de l'assumer le plus tôt possible.
2 mois viennent de s'écouler, à m'agiter dans les couloirs, à être passionnée de façon générale, et à réfléchir à mon avenir dans mes temps morts, mes repos... et toujours, contempler l'horizon, rêver d'ailleurs, m'envoler plus loin. Je l'ai dit, je ne savais pas où, mais je le disais: je peux aller ici, ou là, voire la-bas. On me disait oui, parce que je suis grande, parce qu'on s'en fout, parce qu'on ne m'a pas prise au sérieux? Je ne sais pas, mais à J-3, enfin on s'intéresse, on me pose des questions, on me met en garde "fais ce que tu veux, mais réfléchis bien" tout en disant l'air de rien que non, on ne me conseille pas cet horizon.
Et quand la certitude semblait enfin frapper ma porte, on me redonne ces doutes. Tiens, t'en as pas eu assez, être sereine c'est pas fait pour toi, viens que je t'embrouille.
Alors il y a toutes ces voix dans ma tête, les méchantes les moralisatrices les défaitistes. Elles parlent toutes! Trop fort. Trop vite. Elles assainent les vérités qui font mal, me font voir les icebergs, les obstacles.
Et il y a les autres: les rêveuses, les optimistes. Tu peux y arriver, ça sera pas évident, mais tu seras heureuse d'avoir eu le courage, d'avoir retroussé tes manches une fois encore, et tu te diras juste que ça valait le coup.
Et il y a l'immature, celle qui me bascinait que ces adultes n'avaient rien compris, qu'ils avaient tord, qu'ils ne réfléchissaient qu'en coût, en profit, que moi j'avais assez trimé, et que je méritais plus à présent. A 18 ans, elle disait déjà ça l'immature, et je reconnais qu'elle avait tord. Mais j'ai 26 ans à présent, et l'immature peut-elle avoir encore tord? ...
J'ai trimé, j'ai fait 7 ans d'études, et jeudi je choisirai probablement d'en faire non pas 3 de plus comme c'était prévu, mais 4. Et aujourd'hui encore, alors que j'y ai consacré ma jeunesse, mon temps, mon argent, on me dit que c'est un piège, que je suis naïve, et qu'il faudrait rester dans cette ville où j'ai grandi, qui restera à jamais ma maison, mais qu'aujourd'hui je perçois comme une prison. On me dit que je suis naïve de penser que je serai plus près, que je serai toujours "trop loin", et que si je tombe en panne, je devrais m'en sortir seule. Voilà ce que dit l'autorité parentale, la voix raisonnable.
Et celle qui était immature, que dit-elle? Qu'elle a tout sacrifié ces doux rêves, ces années de jeunesse, et y compris l'innommable pour en arriver là, et que pour ne rien regretter, à présent il s'agit de penser à soi. De ne plus faire "ce qui est sage" mais "ce qui lui donne des papillons dans le ventre". Que je suis un bébé médecin, ce qui, il y a 7 ans, me semblait impossible. J'ai réussi, et il me semble l'avoir mérité. Puis-je encore me refuser de vivre où je veux, de tenter ma chance dans une autre ville, alors que si j'en suis là aujourd'hui, c'est non pas par hasard, mais bien parce que je me suis battue?
Je suis fatiguée des sacrifices, je suis fatiguée des chutes libres, je suis fatiguée des remises en question. Je veux aller voir ailleurs, l'herbe ne sera sûrement pas plus verte, ça sera sûrement plus difficile, mais je regretterais de choisir la facilité.
J'ai fait des études, eux non. Ils sont partis à 18 ans pour travailler, ils n'ont pas forcément eu le choix, mais à 27 ans elle me mettait au monde, ils avaient un toit loin de chez leurs parents, et ils ont vécu leur vie.
J'ai vécu chez eux jusqu'à 25 ans, puis pas loin cette année. Je ne suis jamais tombée en panne de quoique ce soit, et personne n'a eu à venir m'aider. J'ai fait d'autres choix, je n'aurais pas de bébé toute seule au bout du pays moi, alors que j'aurai 27 ans... et non, ils me conseillent de rester, ils disent que c'est plus "sage", plus "prudent". Je rêve.
... Elle le chantait si bien "il n'y a pas d'ailleurs, tu sais que ta vie, c'est ici...", tout doucement avec amertume. J'ai toujours espéré que si, et je me suis toujours dit que même si elle avait raison, un jour, j'irai quand même voir par moi-même. Il est temps, je n'ai pas d'amoureux infaillible qui me retienne, j'ai juste mes parents qui soupirent de laver mon linge tous les week-ends, de me nourrir le vendredi soir.
Je crois que jeudi, l'immature gagnera, et j'espère qu'elle changera de nom: l'audacieuse, la téméraire peut-être, mais pas l'immature. J'ai bossé cette année en me rêvant urgentiste, j'ai réussi à avoir le droit de continuer à le rêver, et après bien des hésitations, je vais finalement le devenir. J'ai bossé en rêvant de changer de ville: je rêve toujours de le faire. Je crois que je le mérite, et que j'en ai marre d'être raisonnable.
Chers petits êtres que j'ai aimés si fort et que j'ai perdus, vous qui veillez sur moi et répondez souvent à mes prières, ne m'abandonnez pas jeudi. Donnez-moi la force de finir ce que j'ai commencé, d'aller au bout de ce que pourquoi je me suis battue, sans me laisser me sentir coupable au décours. Laissez-moi quitter ce guet à pan, cette boue dans laquelle je m'enfonce et m'enlise, à gérer des problèmes qui ne sont pas les miens. J'étouffe. Donnez-moi l'oxygène jeudi.
R. & C., lors de vos départs respectifs, j'avais promis de faire en sorte que ces câlins sacrifiés en valaient le coup: c'est la dernière ligne droite.
Et Papy, tu sais souvent je suis triste. Bientôt je retournerai la-bas et inévitablement, je passerai te voir au cimetière, regarder cette tombe en marbre sous laquelle tu gis, et encore une fois, j'hésiterai: pleurer ou cracher? Tu sais ce que j'appelle "loin", c'est inévitablement plus près de mamie. As-tu entendu l'autorité parentale m'en détourner? Parfois je regrette de ne pas avoir été plus courageuse, de ne pas avoir pris le téléphone pour demander de vos nouvelles en redoutant tes foudres, ou la foudre tout court, sans savoir d'où elle viendrait. Tu restes grandement coupable, mais ce soir j'ai eu le sentiment que l'autorité parentale l'était aussi. Qu'avez-vous eu à gagner toutes ces années qui justifie que ce soir, j'ai eu l'impression d'être à nouveau cette gamine qui pleurait de quitter ces grands-parents, et qui entendait sourdement "chiale pas trop, nous ne reviendrons jamais"? Pourquoi m'éloigner encore de l'ultime survivante? Mon silence ne vous a rien appris.
C'est maintenant ou jamais, mamie te rejoindra un jour, mon temps pour rattraper le temps perdu est compté. Celui que vous avez tous perdu, celui que je vous ai laissé perdre. Je veux m'en rapprocher. Elle ne disait rien au téléphone, et je sais qu'elle leur donnera raison. Elle donne raison aux adultes, aux plus adultes, même quand ils ont tord. Tu avais tord, mais c'est toi qu'elle a soutenu. Je vise cet ailleurs-là pour elle, mais c'est eux qu'elle soutiendra. Ce soir finalement vous me débectez. Et c'est en écrivant ceci que je me souviens pourquoi j'ai fait médecine: pour faire médecin humanitaire. Ce que je vise vous semble loin, mais initialement je visais encore plus loin et étais encore plus téméraire. A me brider de la sorte, à ne m'encourager qu'une fois que je réussis, vous me donnez parfois envie d'aller moi aussi dormir dans les herbes fraîches, loin, dans cette éternité où vous courrez tous vous réfugier, tôt ou tard.
J'étais triste et maintenant je suis en colère.
Jeudi j'espère que j'irai au bout de mon idée, parce que je l'ai mérité. Et si ça ne vous plait pas, pour la première fois, je vous invite à bien aller vous faire voir. Aucun de vous n'aurait fait ces 7 années d'études, alors merde, laissez-moi vivre.
Mercredi soir je n'appelerai personne, pas plus que demain d'ailleurs. Ma décision était prise, et elle doit le rester, Et maman promis, je te demanderai le strict minimum. Dès que je peux voler de mes propres ailes, début 2018 j'espère, je le fais. C'est mon choix je viens seulement de comprendre, je suis seule et bien seule, et bien ne t'inquiète pas, je ferai en sorte de l'assumer le plus tôt possible.