@OpossumDesPlaines J'étais à peu près dans le même état que toi au même moment. J'étais toute déconfite après avoir lu la très belle lettre aux enseignants de François Héran. Déconfite parce que j'ai appris des choses que je ne connaissais pas (les deux manières de concevoir la liberté d'expression par exemple). J'ai failli éclater en sanglots en lisant un morceau de la lettre de Jaurès où il explique qu'un enseignant ne peut transmettre le soir ce qu'il a appris le matin. Je me suis sentie tellement "
out of my depth", j'ai eu l'impression que ma fonction était trop grande pour moi, qu'on attendait trop de moi en un moment pareil. C'est l'effet du discours "l'école-doit-soigner-les-maux-de-la-société" entre autres. C'est aussi parce que je débute, encore (ce n'est que le début de ma 5ème année scolaire en fin de compte). C'est aussi parce que je n'ai pas l'expérience de ce type de séance (j'aimerais que personne ne l'aie mais les collègues qui enseignaient déjà en 2015 savent comment cela peut se passer).
Ce moment de classe est l'un les plus durs qu'il m'ait été donné à préparer. L'indigence du débat public, la gestion désastreuse de cet hommage ces derniers jours, l'attentat de Nice, la crise sanitaire, et tout ce que le contexte actuel révèle comme failles de l'école, comme conditions d'exercice indigentes au mépris des élèves et des personnels rajoutent du sel dans une plaie à vif.
Je mets mes idées et connaissances en ordre depuis hier après-midi sur un document Word. Je voulais avoir des éléments sur tous les sujets soulevés par l'attentat (les faits, la liberté de conscience, d'expression, la caricature, les réseaux sociaux, le rôle de l'école et vu que j'ai des lycéens, les manifestations antifrançaises dans des pays où la pop est majoritairement musulmane/ dans des États musulmans). Je crois qu'il ne faut pas concevoir cette séance comme un cours. Un enseignement sur la liberté d'expression se construit dans le temps long.
Il s'agit d'un moment d'hommage. Tout ce que j'ai préparé est en cas de besoin, selon la, les directions prises par les échanges. Voici ce que je pense faire : rappeler les faits. Faire comprendre aux élèves que c'est l'école, qui les instruit, les éduque, les émancipe qui a été touchée. Que cette école, comme eux, j'en fait partie. Je pourrais peut-être évoquer des professeurs qui m'ont été chers. Leur expliquer ce que je dois à l'école (la lettre de Camus à M. Germain contient tout cela mais peut-être ont-ils besoin de l'entendre de moi. Pour une fois, je ne serais pas simple Mme Polynie, professeur et fonctionnaire, je serai l'être humain, la personne nommée Mme Polynie).
Expliquer ce qu'est une minute de silence aussi, une fois qu'on aura abordé tout cela.
Si besoin, je suis en mesure de rappeler les fondamentaux sur les différentes libertés, sur les tensions politiques et géopolitiques avec la Turquie. Si besoin, j'ai une caricature à analyser. Si besoin, j'ai des rappels sur ce que dit la loi (limites aux libertés mais aussi atteinte à un fonctionnaire, assassinat etc.).
La seule chose dont je suis certaine, c'est que je commencerai par les faits (en demandant aux élèves de me résumer ce qu'il s'est passé) et que j'aborderai la fonction de la minute de silence.
On verra où nous mène l'échange ensuite.