Ma mère rentre dans ma chambre sans frapper, et elle se fout de moi si je dis qu'elle pourrait frapper... c'est peut-être rien, mais j'ai l'impression qu'elle fait ça pour asseoir son pouvoir sur moi, pour me faire bien sentir que je ne suis pas chez moi, mais chez elle.
Elle m'écrase tout le temps, elle me coupe la parole à table, elle se moque ouvertement de moi et éclate de rire vers mon beau père avant que j'ai le temps de protester. Elle me fais bien sentir que je ne suis qu'une pompe à fric, que je lui sers à rien, qu'elle voudrait que je sois différente... un jour elle me rêve en prépa ou science po, le jour suivant elle s'extasie sur "ces jeunes qui travaillent déjà et qui s'assument financièrement"...
C'est la fin de l'année et je vais devoir rendre mon appart. Je me sens désespérée à l'idée de ne plus avoir d'autre choix que de rester chez ma mère. Elle me bouffe, j'ai plus aucune estime de moi-même, tout ce que je dis c'est de la merde, je ne suis pas assez féminine, pas assez cultivée, etc... Si j'étais un mec, je dirais qu'elle m'émascule.
Elle prend tout le monde de haut, elle méprise ce qu'elle appelle la "classe populaire" et tout ce qui est nouveau. Elle m'a affublé d'un nom de bourgeoise du Moyen Age mais m'a mise dans un collège de zep. C'est comme si elle m'avait lancé sur un terrain de chasse avec une cible sur le dos. Et quand j'essayais de lui dire qu'on mettait de la terre dans mon cartable et qu'on me disait que je sentais la merde, elle se fichait de moi et me traitait de menteuse.
Je suis dévorée par la culpabilité, j'ai bien conscience de ne pas mériter ce que j'ai. Elle me donne tout mais de mauvais coeur, et je me sens encore plus pathétique.
L'année dernière, quand elle s'est rendue compte que mon beau père la trompait elle est venue vers moi, comme par hasard. Là j'avais plus qu'à essuyer ses larmes, la tenir à bout de bras, lui expliquer que les mecs ça va, ça vient, qu'il ne faut jamais se laisser aller complètement, qu'elle est tout à fait capable de vivre sans mec... C'aurait été à elle de me dire ce genre de trucs. Mais j'étais contente parce que là, elle m'écoutait, là mon avis comptait, là je servais à quelque chose.
Et puis quand elle s'est remise avec son mec, c'était fini.
En fait elle s'est servie de moi comme d'un kleenex : elle s'est mouché et elle m'a jeté.
En résumé, voilà tout ce que je suis pour ma mère : un kleenex qui coûte cher.