C'est la première fois que je poste ici. Je lis Madmoizelle régulièrement depuis mon fil d'actualité Facebook, et même si parfois mon avis est différent du vôtre sur certains sujets, aujourd'hui, grâce à cet article, vous m'avez ouvert les yeux. Merci, chers rédacteurs de Madmoizelle. Merci infiniment.
J'ai actuellement 15 ans, une famille stable, de bons résultats pour une élève de Seconde dans un lycée assez réputé. Bref, tout va pour le mieux. Mais voilà, j'ai un terrible souvenir : lorsque j'étais plus petite, en primaire (CP il me semble), je "sortais" avec un garçon de ma classe. On était amoureux quoi. Enfin, même pas, puisqu'en soit je n'avais pas une notion exacte de l'amour... On se tenait la main, il m'offrait m'offrait des fleurs qu'il cueillait dans la cour et des bagues en papier. Devant les élèves des classes supérieures, on était LE couple trop mignon, très souvent on nous demandait de se faire des "bisous sur la bouche" en public. Moi je n'en avais pas spécialement envie, mais je me laissais faire gentiment pour faire plaisir aux autres, et parce que de toute façon cela semblait être comme ça et pas autrement. Quand j'y repense, moi et mon amoureux étions une véritables attraction, des animaux de foire. Un jour, ce garçon avec qui j'étais m'a demandée de le suivre derrière une grosse pierre de telle sorte que nous soyons cachés tous les deux (notre cour était une sorte de forêt, donc oui, on trouvait des cailloux assez gros vers le fond). Là, il a baissé son pantalon et son slip devant mes yeux et il m'a dit, je me souviens malheureusement trop bien de ses mots : "qu'est-ce que t'attends?". Et justement, je ne savais pas. Je ne comprenais pas ce qu'il voulait de moi. J'étais trop petite ; c'était l'époque où je croyais encore au Père Noël. Je ne sais plus comment j'en suis arrivée là, mais il me semble que j'ai soulevé ma jupe pour l'imiter. Après, rien. Le néant. Je me rappelle juste que des camarades avaient vus la scène, si bien que dans les jours suivants on m'avait traitée de "pute", "salope", des mots dont j'ignorais la signification, mais je comprenais bien que ce n'était pas des compliments. J'avais conscience que ce qui s'était passé n'était pas normal, que dans un sens j'avais été forcée, mais je n'en ai parlé à personne. Tout le monde savait déjà, même les adultes chargés de surveiller la récréation, seulement ils ne sont jamais venus me voir pour en parler, ni moi ni mes parents. J'ai juste le souvenir brumeux d'avoir été submergée par un sentiment d'incompréhension, parce que tous les élèves, certains que je ne connaissais même pas, m'insultaient dès qu'il me voyait. J'étais seule, triste sans réellement savoir pourquoi, complètement paumée. Mon amoureux, personne ne l'a blâmé. C'était normal. Moi, j'étais une "sale pute". J'ai d'autres souvenirs du genre avec ce même garçon ; dans le dortoir par exemple, il venait dans mon lit et me carressait un peu partout. Mais apparemment, c'était ça, s'aimer.
Le garçon qui m'a fait ça, je n'ai plus de nouvelles de lui, il paraît qu'il est gay maintenant (et j'avoue que ça me fait un peu bizarre). Je n'ai aucun sentiment de haine envers lui. Il dessinait des femmes nues dans ses cahiers, je m'en souviens, peut-être qu'il était un peu dérangé... Mais merde, ce qui me met hors de moi, c'est que les adultes qui m'entouraient (ou étaient sensés m'entourer) n'ont pas réagi en me voyant huée, délaissée, protagoniste de toutes les rumeurs qui circulaient à ce moment là. J'ai essayé d'en parler à une amie récemment, mais on m'a dit "tu te fais des films, quand on est petit on fait pas gaffe". Ça aussi, ça m'a tapé sur le système. Je ne pense pas que ce soit la faute des profs (mes deux parents le sont et ce sont des gens très biens), mais plutôt le fait qu'on ne parle jamais de ça aux infos. Il devrait y avoir une prise de conscience général, un truc comme ça. Ma réputation de pute, elle m'a hantée et suivie longtemps sans que je la comprenne, jusqu'au collège. Je crois qu'elle a laissée des traces sur moi mais je n'en suis pas sûre : j'ai été très perturbée un moment après les évènements, j'étais clostrophobe, et je piquais des crises d'angoisse dès que j'étais seule dans une pièce. Depuis, ma vie a changée, je ne me fais plus aucun souci, j'ai accepté mon corps, les sensations qu'il pouvait me procurer... J'ai essayé des choses avec un type pour essayer, connaître mes limites, mais je l'ai supplié de n'en parler à personne, même pas ses potes, je voulais que personne ne soit au courant : exactement l'inverse de ce que j'avais vécu en primaire. Alors ma grande question : dois-je en parler autour de moi, à mes parents? J'ai bien peur que ce que ma malheureuse expérience influe sur ma vie (sexuelle et vie tout court)... Que faire?
Des bisous tendres, bravo à toutes celles et tout ceux qui auront le courage de lire jusque là. Merci encore. Love.