Veille permanente psychophobie

25 Juin 2014
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Mais ça reste qu'il y a une réalité partagée par tous, qui est inébranlable, c'est ce que tu appelles "le monde réel". Disons que toute personne valide à 100% va s'accorder sur cette réalité. Par exemple, toute personne valide à 100% va s'accorder sur le fait qu'à côté de moi il y a une table basse rouge. Maintenant, on peut être "moins valide", et ne pas totalement s'accorder sur cette réalité. Par exemple, un daltonien ne va pas forcément voir que cette table est rouge. Ca reste que tout le monde s'accorde qu'il y a cet objet : une table basse.

Je voudrais nuancer un peu ça, en fait: la façon dont tu l'as présentée est maladroite, et donne à penser que la perception de la table par la personne daltonienne est trompée, ou faussée. Le rouge de la table ne fait pas partie du caractère inébranlable de la réalité.

"Le monde réel" ici, c'est l'existence d'une table, qui (pour schématiser, je ne suis pas scientifique et je ne connais pas bien le système du fonctionnement de la lumière et des couleurs) renvoie un certain spectre de la lumière qui - pour la majorité des personnes - semblera rouge, parce que les yeux de la majorité de ces personnes sont conçus pour percevoir ce renvoi de lumière comme rouge. Une personne daltonienne, elle, percevra cette table d'une autre couleur (un ton de vert-jaune, ça dépend des différents types de daltonisme) parce que ses yeux sont conçus différemment. Mais la table est la même pour les deux types de personne : avec une certaine forme et une certaine matière qui renvoie un certain spectre de lumière. C'est l'interprétation de ce spectre de lumière qui diffère.

Et, là, pour le coup, le daltonisme n'est pas un handicap en soi que par rapport à une norme : être daltonien, c'est vraiment gênant parce qu'on vit dans une société majoritairement peuplée de gens pas daltoniens, et conçue pour elleux. Etre daltonien, ce n'est pas gênant en soi : on ne souffre pas d'être daltonien si l'entourage et l'environnement est compréhensif (à l'inverse de, par exemple, ma dépression passée et mes pensées suicidaires, qui m'étaient néfastes et nuisaient à ma vie et ma sécurité, et ce indépendamment de mon entourage et de mon environnement). Mais en soi, il n'y a pas de perception des couleurs "valide" et "déficiente" c'est seulement une construction par rapport à une norme et celleux qui n'y rentrent pas : si nous avions tou-tes le même type de daltonisme, personne ne serait daltonien-ne. C'est d'ailleurs le cas : d'autres espèces d'animaux peuvent voir plus (ou moins) de couleurs que nous, en fait. Le monde n'est pas du tout identique aux informations sensorielles que l'on en retient.

Et je trouve que cet exemple est différent de celui des hallucinations dont tu parles, en fait :hesite: une hallucination, c'est percevoir une information qui n'existe pas, non? Si la personne percevait quelque chose qui existe, alors elle n'aurait pas une hallucination mais une capacité à percevoir la réalité de manière différente, ou autre (une meilleure ouïe, une meilleure vue, etc - mes exemples sont "meilleurs" et pas "différents" mais l'idée reste présente je suppose). Délirer, c'est différent de ne pas être d'accord avec la majorité sur l'interprétation de la réalité, je crois bien.

(Et c'est un peu hors-sujet mais ça fait conclusion :happy: je trouve qu'il faut faire une différence entre ce qui pose un problème pour soi (comme mes pensées suicidaires de jadis) et ce qui pose un problème par rapport à l'environnement dans lequel on évolue (comme être daltonien-ne dans une société qui fait la différence entre le vert et le rouge), et aussi ce qui cause une souffrance et est à changer, et ce qui ne l'est pas forcément (je pense aux personnes sourdes qui n'ont pas envie de ne plus être sourdes, par exemple).)
 

Lullabye

Ambassadrice de Ville
25 Novembre 2013
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Et je trouve que cet exemple est différent de celui des hallucinations dont tu parles, en fait :hesite: une hallucination, c'est percevoir une information qui n'existe pas, non? Si la personne percevait quelque chose qui existe, alors elle n'aurait pas une hallucination mais une capacité à percevoir la réalité de manière différente, ou autre (une meilleure ouïe, une meilleure vue, etc - mes exemples sont "meilleurs" et pas "différents" mais l'idée reste présente je suppose). Délirer, c'est différent de ne pas être d'accord avec la majorité sur l'interprétation de la réalité, je crois bien.
Bah c'est ce que je voulais dire :hesite:. Une hallucination c'est la perception de quelque chose qui n'existe pas, et non une perception différente de la majorité de quelque chose qui existe. C'est une perception sans objet à percevoir.

Il y a différents mécanismes dans le délire, il faudrait que je les retrouve et que je retrouve leur définition exacte : il y a l'hallucination (interne ou externe -et je crois pas que ce soit les bons termes d'ailleurs), l'imagination, l'illusion et l'intuition. Les définitions se basent sur cette idée de perception de la réalité, perception déformée, ou perception sans objet à percevoir.
 
@AprilMayJune oui, c'est plutôt dans ce sens-là que je posais mes questions en fait. Parce qu'en soi, le réel, je ne le perçoit pas de la même manière que beaucoup d'autres personnes (y compris parfois sur des points très basiques) ; je ne vais donc pas vivre dans la même réalité que d'autres. A partir de là, ça devient très compliqué de voir à quel degré on peut dire que quelqu'un est malade. Parce qu'en soi, cette perception du réel, qui induit des comportements particuliers face à lui, est influencée par tout un tas de facteurs : l'humeur, les expériences passées, les traumatismes, des fonctionnements neuronaux différents... Donc à mon sens, la limite entre malade et non-malade est plus à tracer du côté de l'incapacité que ça engendre à pouvoir vivre de manière correcte.
Pour prendre un exemple; tu pourrais avoir une vision du réel totalement différente de cette qui est considérée comme "la norme" sans que ça t'empêche de vivre correctement et sans souffrance. A l'inverse, d'autres visions du réel vont provoquer des comportements qui empêchent de vivre dans ce réel : si tu as des troubles anxieux qui vont jusqu'à t'empêcher de dormir et de sortir de chez toi parce que tu vois tout comme étant un danger (je caricature) alors on peut considérer que ta vision du réel t'handicape beaucoup.

C'est pour cela qu'à mon sens, les troubles psychiques sont plus à examiner du côté de leurs conséquences pour l'évolution du sujet dans le réel que du côté de leur dissonance par rapport à une "réalité" qui est de toute manière une norme imaginaire (on pense que la réalité est quelque chose d'établi, cependant on a aucune preuve que la moyenne des perceptions du réel correspond à cette norme. Pour faire un parallèle, on imagine que la norme de corps des femmes c'est un 38, cependant la moyenne c'est plutôt du 42.) Là c'est pareil sauf que tu n'as aucun moyen de savoir vraiment quelle est cette moyenne, même si cette dernière tend vers la norme (vu qu'on t'apprend que telle vision du réel est la bonne vision, tu vas forcément tendre à voir le réel de cette façon).
 
10 Décembre 2015
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@Lullabye
Bonjour,
Je ne comprends pas bien où est la nuance. Il me semble que mis à part dans une optique d'aide nécessaire au bien-être de la personne ( dépression suicidaire par exemple ou encore shizophrénie de nature à mettre en danger la personne ou à l'exclure socialement), le postulat de base est validiste. Il y a "ce qui est normal" et "ce qui ne l'est pas".
Or, on peut très bien percevoir une réalité différente sans danger pour soi-même ( direct ou indirect ) sans pour autant avoir à se faire dire que sa propre réalité est fausse car rejetté par la majorité.
 

Lullabye

Ambassadrice de Ville
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Donc à mon sens, la limite entre malade et non-malade est plus à tracer du côté de l'incapacité que ça engendre à pouvoir vivre de manière correcte.
Pour prendre un exemple; tu pourrais avoir une vision du réel totalement différente de cette qui est considérée comme "la norme" sans que ça t'empêche de vivre correctement et sans souffrance. A l'inverse, d'autres visions du réel vont provoquer des comportements qui empêchent de vivre dans ce réel : si tu as des troubles anxieux qui vont jusqu'à t'empêcher de dormir et de sortir de chez toi parce que tu vois tout comme étant un danger (je caricature) alors on peut considérer que ta vision du réel t'handicape beaucoup.

Sauf que c'est le cas en fait. On a plusieurs critères pour évaluer un trouble, dont les critères diagnostiques, mais aussi ce qui est fondamental c'est le degré de souffrance et le degré d'adaptation de la personne (autrement dit l'impact de son trouble sur sa vie selon les domaines). En fait maintenant c'est même un vrai critère diagnostique.
Par exemple, le critère E de la dépression d'après le dernier DSM : "Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants." Pour tous les troubles, il y a ce critère, qui peut être reformulé légèrement différemment, mais c'est cette idée que c'est fondamental qu'il y ai un retentissement dans la vie du sujet, un impact, un problème d'adaptation, qui peut ou non engendré de la souffrance.
En soit, la clinique d'un psychologue ou psychiatre, va rarement s'intéresser à des personnes qui vont bien. Concrètement les gens qui viennent nous voir vont mal d'une façon ou d'une autre, que ce soit conscient ou non, qu'ils viennent d'eux-mêmes, ou qu'ils soient adressés par quelqu'un d'autre (ce qui signifie qu'il y a un problème d'adaptation au moins). Donc finalement, le diagnostique se posera quasiment toujours sur une personne qui valide ce critère de souffrance et/ou d'altération du fonctionnement.

Parce que c'est finalement ça qui fait qu'un trouble est un trouble, ça "trouble" la vie d'une personne. Evidemment que chacun est différent, a une perception différente de la réalité, parce qu'il a été façonné dans un environnement particulier, avec une culture, des valeurs, des personnes etc. Mais toutes ces perceptions sont cohérentes, co-existent ensemble. L'important c'est que chacun puisse réussir à vivre une vie harmonieuse je dirais. On peut avoir un trouble "incurable", comme une schizophrénie, mais pour autant elle est stabilisée, la personne ne souffre pas de ses symptômes, arrive à être adaptée (avoir une vie sociale, avoir un job...).
 
  • Big up !
Réactions : Xylo' et Salpêtre
@AngelTen Richard II Je suis d'accord, je pense. Définir qui est malade et qui ne l'est pas en fonction d'une norme (telle qu'une perception de la réalité majoritairement partagée - mais ça peut être d'autres choses, comme un comportement), c'est aussi définir ce qui est normal, et ce qui doit être "soigné" c'est-à-dire considéré comme intrinsèquement déficient et à être ramené dans cette norme. Ca devient politique, en fait, et pas médical.
 

Lullabye

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@Lullabye
Bonjour,
Je ne comprends pas bien où est la nuance. Il me semble que mis à part dans une optique d'aide nécessaire au bien-être de la personne ( dépression suicidaire par exemple ou encore shizophrénie de nature à mettre en danger la personne ou à l'exclure socialement), le postulat de base est validiste. Il y a "ce qui est normal" et "ce qui ne l'est pas".
Or, on peut très bien percevoir une réalité différente sans danger pour soi-même ( direct ou indirect ) sans pour autant avoir à se faire dire que sa propre réalité est fausse car rejetté par la majorité.
Je comprends pas ta question. Quelle nuance ? Quel postulat de base ?
 
10 Décembre 2015
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@Lullabye
Je suis d'accord avec @AngelTen Richard II et @AprilMayJune qui s'expriment mieux que moi. J'ajouterais juste ( je diffère peut-être des madz sur ce point ) que par postulat de base, j'entendais la manière de décider ce qui entre dans la norme ou non et par conséquent, la manière de soigner. J'ai trouvé ton explication validiste car c'est sur ces arguments qu'il y a une énorme maltraitance médicale et sociale.
Ce n'est pas une attaque, je souligne juste pourquoi je ne suis pas d'accord avec toi :)
J'ai remarqué que tu as utilisé le "on". Tu es psychiatre ?
 

Lullabye

Ambassadrice de Ville
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Ce que j'aime pas dans ce débat, et c'est pour ça que je pense que je vais partir, c'est qu'on arrive vite à ses espèces de jugements que je trouve terribles, sur la psychologie, les psychologues, et la psychopathologie. On en revient toujours à cette idée que les psychologues/psychiatres ça met des gens dans des cases, que d'un côté pour eux il y a les gens malades et de l'autres les gens normaux. Que c'est pas bien de poser des diagnostiques, qu'on vient remettre en cause la question de la normalité etc.
Alors que la réalité de ce qu'on nous apprend est différente. La question de la normalité c'est l'un des premiers trucs qu'on aborde. La normalité c'est pas pour nous ce concept dichotomique : les gens normaux vs les gens pas normaux. C'est un concept qui se base sur un continuum, et c'est comme ça qu'on l'aborde et pas autrement. Peut être qu'il y a des cons qui l'abordent autrement, mais on n'est pas sensé faire ses deux cases puisque ça n'a pas de sens.
On est très sensible aux différences intra et inter-individuelles. On se contente pas de voir une personne et de le mettre dans une case. Même si on pose un diagnostique, on sait qu'un diagnostique n'est que le reflet du noyau central d'une maladie si je puis dire, mais qu'autour tout va varier d'une personne à une autre, parce qu'une maladie reste une interaction de plein de facteurs.

Et oui, on pose des diagnostiques, qui sont basées sur des données chiffrées, des observations cliniques, des études. On ne le fait pas simplement pour mettre les gens dans les cases, on le fait parce que ça a une utilité pour le patient (et oui, on ne le fait pas non plus automatiquement...), ou pour nous aider à aider le patient.
Et personne ne va venir questionner les diagnostiques médicaux, mais alors les diagnostiques psychologiquees, oulala, attention quoi, mon dieu on met des gens dans des cases, c'est pas bien, c'est "validiste".
 

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